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bibliotheque partagée etrillet

La bibliothèque, lieu de recréation du lien social ?

Journée d'étude / 31.01.20170 commentaires

bibliotheque partagée etrilletLa BPI et l’ABF organisaient le 24 janvier dernier une journée intitulée « La bibliothèque, levier d’une dynamique sociale ? » qui a attiré un public nombreux autour d’une problématique pourtant pas si neuve que cela aux dires des organisateurs eux-mêmes. Sans doute qu’en ces temps troublés, la volonté d’entretenir le lien social est-elle grande. Sans doute aussi que la reconquête de ses publics est au coeur des préoccupations du lieu bibliothèque, plutôt chahuté depuis 20 ans par les nouveaux usages (on n’a plus besoin de la bibliothèque aujourd’hui pour accéder aux contenus), la non réduction des inégalités d’accès au savoir (voire leur accentuation) et la contestation des institutions (la bibliothèque peut être perçue comme une institution exerçant une violence symbolique sur ses usagers par l’imposition de choix et de collections inadéquats).

Comment recréer du lien social ? Plusieurs intervenants (sociologues, enseignants-chercheurs, bibliothécaires…) ont tour à tour fait émerger l’idée d’opérer quelques tours de braquet salutaires :
– Développer une culture sociologique au sein des équipes : mieux comprendre les inégalités permettra d’identifier les moyens de contribuer à les résorber
– Trouver dans l’offre un point d’équilibre entre une nécessaire adaptation à l’horizon d’attente des usagers et l’ouverture/la formation du goût pour d’autres horizons de réflexion et de culture
– Renoncer à une posture intenable de neutralité : le bibliothécaire a le droit d’être un militant dans l’âme (pourquoi se cacher derrière le fade statut d' »agent du service public » ?)
– Sortir de sa zone de confort (en n’hésitant pas à nouer des partenariats avec d’autres acteurs éducatifs, sociaux et culturels, en osant s’appuyer sur le concours de tiers) et faire sortir aussi les usagers de leur zone de confort
– Donner des clés de compréhension des textes, activer des clés de lecture plutôt que se contenter de mettre en valeur des objets (coups de coeur) sans s’avancer sur ce qui en fait la qualité (le style, l’univers, la cohésion d’une oeuvre…), développer une « lecture aux aguets »

Ces perspectives d’évolution des fonctions du bibliothécaire sont séduisantes : sa voie de salut passera sans doute par l’adoption d’une autre posture, plus engagée, d’agent du développement de l’autonomie des publics et de questionneur de ce qui se passe dans les livres et dans la société…

Ce renouvellement de posture nécessite l’installation d’une relation de confiance avec les usagers dans le temps. Il est improductif de miser sur un succès immédiat et de viser un effet « waow » et plus prudent de privilégier l’expérimentation : on n’arrive pas toujours à ce que l’on veut mais le droit de se tromper est permis sur la voie de la réussite…

Plusieurs expérimentateurs (Anders Gert Johansson, bibliothécaire suédois oeuvrant dans un ancien garage reconverti en bibliothèque : Garaget, à Malmö, Julien Prost de la bibliothèque parisienne Louise Michel) sont venus illustrer concrètement comment pouvait s’opérer ce réjouissant « décentrement » de la fonction :
– constitution d’une collection de petite taille qui favorise le hasard de la rencontre et ne nécessite pas de médiation particulière
– montage du fonds avec le concours des usagers et sans rechercher à tout crin des ouvrages de vulgarisation (les attentes du public peuvent être pointues)
– présentation des ouvrages de face pour les rendre plus lisibles
– gommage du maximum d’aspects institutionnels : pas de cote, pas de classification…
– mélange de livres populaires et de livres « obscurs » pour piquer la curiosité des lecteurs
– prêt élargi à l’emprunt d’autres objets utiles au quotidien : vêtements, outils, couches lavables (!)…

Jusqu’où transiger pour assurer l’attractivité du lieu et accompagner la mutation d’une culture domestique (un livre emprunté à la bibliothèque et lu chez soi) vers une approche plus « foraine » du lieu bibliothèque ? Cette journée d’étude n’a pas épuisé le sujet mais aura au moins mis en lumière tout un tas de trajets possibles entre un guidage balisé et unidirectionnel et un compagnonnage vagabond et hasardeux…

 

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